jeudi 10 janvier 2008

Lassitude puis exaltation.




Tant que la querelle entre les tenants du dessin "où l'on passe des heures sur une image, Môssieur" et ceux du dessin "jeté dans ta gueule, vieux con..." se passait entre critiques, honnêtement, ça me faisait marrer. Le propos n'était, pour moi, pas tant de savoir s'ils étaient dans le vrai ou non, mais plutôt de me demander d'où leur venait une quelconque légitimité pour parler d'une chose aussi intime puisque si bien au lieu de s'intéresser en profondeur à ce qu'est le dessin, ils préféraient s'arrêter à des questions de goût qui, comme chacun sait sont à l'instar des couleurs, indiscutables, donc peu propices, justement, à la discussion.

En plus, soit dit entre nous, je me cogne un peu de ce que peuvent raconter les tenants du classicisme de bon aloi à peu près autant que de ceux qui défendent une prétendue avant garde de mon cul.


Je riais, donc.


Et puis, récemment et coup sur coup, j'entends deux auteurs de renom dire des choses non seulement exaspérantes de pauvreté d'esprit, mais en plus absolument mensongères et stupidement méchantes. L'autre jour, Moebius disait comme ça à la radio, que "l'élite" des dessinateurs en matière de bandes dessinées se trouvait parmi ceux qui optaient pour "le réalisme"...


Le choc fut rude. Je me disais que, sans doute, il avait des raisons de dire ce genre d'âneries et que je n'étais pas assez intelligent pour entrer dans le débat. Sauf qu'il y en a marre de laisser dire des conneries sous prétexte qu'on est un artiste reconnu et, la quarantaine approchant, je me sens des velléités d'ouvrir ma gueule quand il me semble que c'est le moment, en essayant de ne pas oublier que 9 fois sur 10, c'est pour dire des conneries, moi aussi.


Parce qu'outre le fait que je ne sache absolument pas à quoi on reconnaît un dessinateur "réaliste" , je subodore que, si l'on pousse ce raisonnement, Reiser, Sempé ou Franquin sont des taupes et Vuillemin, Pétillon et Goossens d'infâmes tacherons. Sympa. CLasse.


Et puis, Paf! Il y a quelques jours, sur le web de france 5, ici, précisément, Loisel se lâche et sort que les auteurs d'une pseudo "nouvelle bande dessinée" n'ont pas l'amour du dessin, et qu'aujourd'hui, les jeunes auteurs n'ont pas le temps de faire des beaux dessins puisqu'ils vont trop vite! Rha!


C'en était trop. Je m'étais toujours promis une réserve de bon aloi envers les auteurs , sachant comme ce métier est dur à vivre au quotidien (certes moins que la mine, mais certainement plus que... Prof de gym, tiens!), mais ils n'ont qu'à pas dire des conneries, aussi!


"Pas l'amour du dessin"? Qu'est ce que c'est que ces généralisations??
On ne peut pas faire de "beaux dessins" ( en admettant, encore une fois, la théorie fumeuse selon laquelle un dessin serait "beau" ou "pas beau berk") en allant vite?? Quoi? Qu'est-ce que c'est que ces foutaises?! Qu'un lecteur / spécialiste / critique sorte ce genre de choses, pourquoi pas, après tout, il ne dessine pas, mais un auteur! Qui plus est un dessinateur! Incroyable.



Je le dis d'autant plus aisément que je ne me retrouve pas plus dans l'avant garde prétentieuse et méprisante que dans le classicisme méprisant et prétentieux! Et puis, quand même, il commence à être de notoriété publique que c'est pas parce qu'on dessine le nombre exact de ses fenêtres au château de Versailles, qu'on en fera un portrait plus sincère! Il me semble que déjà, les impressionnistes se heurtaient à ce genre de conneries il y a un siècle de ça!


Parfois, je me sens las et l'espoir d'un monde meilleur me fuit.


Ce qui me remonte le moral, tiens, c'est de lire un beau livre de dessins! Et, justement, pour contredire les théories les plus fumeuses sur le dessin, quoi de mieux qu'un livre avec des dessins?


Comme un fait exprès, j'ai reçu ce matin dans ma boîte aux lettres, le "J'entr'oubliay" de David Prudhomme et François Villon...




Et là, BAF! Ce n'est pas à proprement parler une bande dessinée, mais plutôt un texte illustré de dessins pleine page... Et là, je le dis sans l'ombre d'une hésitation: plus question de goûts, de chapelle ou de techniques! C'est brutal et fort, fin et entraînant, sensible et nuancé... Prudhomme n'essaye pas de faire du "beau". Pas d'esbroufe, c'est direct. On perçoit un peu du bonhomme derrière le dessin, ses obsessions, sa diversité... Et aussi, mine de rien, le courage de dessiner les choses telles qu'il semble les voir, sans tomber dans la rapport de séduction vis à vis du lecteur. J'avais déjà dit ici tout le bien que je pensais de "la marie en plastique", avec Rabaté, de "l'oisiveraie" et de "la tour des miracles, avec Davodeau sur un texte de Brassens, eh bin pour moi c'est acquis, David Prudhomme est un dessinateur fascinant.



Comme quoi, au dessus de la mêlée, il plane toujours un type pour mettre tout le monde d'accord par l'humble évidence de son travail.