un peu de pédagogie
L'autre jour, j'étais au Virgin de Lyon Presqu'île (au lieu d'aller dans une librairie spécialisée, oui, je sais, je suis un salaud et tout ça.) pour dédicacer "de mon chien comme preuve irréfutable de l'inexistence d'un Dieu omniprésent". c'était très bien. Il y avait de la bière à volonté pour les lecteurs et des Granolas pour moi. Et alors, donc, toute une série de questions techniques sembla passionner quelques lecteurs à mon grand étonnement. Comme je suis un homme poli, j'ai répondu à chaque fois dans le détail mais c'est vrai que c'est chiant de se répéter.
Alors, dans un but didactique et pour éviter qu'on me repose les mêmes questions, je me fais fort de vous montrer les étapes qui amèneront l'auteur du premier trait vers l'oeuvre achevée et prête à être envoyée au Louvres, quand on est dans mon slip. ( Je me rends compte à la relecture de ce que cette dernière phrase peut avoir d'abscon. il n'est pas là question d'imaginer que vous enfiliez mon slip... Ou pire encore, que vous y entriez alors que j'occupe la place... En fait, je voulais exprimer avec un humour caustique et de bon aloi pompé intégralement sur Gotlib et Desproges, que ce sont là mes propres "étapes"... Qu'en fait, il n'y a pas de recette, que chacun fait comme il veut, et surtout comme il peut, et que d'autres auteurs auront sûrement un mode de fonctionnement absolument différent... Voilà. Un bide, ça s'appelle. )
Alors mettons nous en situation: Le festival de la Corogne, en Espagne, dont le chef est Prado, me demande de faire l'affiche de la prochaine édition. Ayant passé là-bas un excellent moment, ( palace somptueux et restos chics et goutus que c'en fut obscène ), et Prado ayant insisté avec talent, je me décide.
C'est là qu'arrivent les problèmes. Que faire qui soit un tantinet original, si possible? Souvent, les affiches des festivals représentent les personnages des divers auteurs en situation dans la ville qui les accueille... Donc, dans un premier temps, essayer de ne pas faire pareil semble être de bon aloi.
Voici donc ce que j'appellerai "l'étape 1 : où l'auteur fait n'importe quoi en espérant le plus fort possible qu'il en ressortira quelque chose sinon il est dans la marde".
Dans le cas qui nous occupe, la seule figure imposée est la tour d'hercule, sympathique monument servant de blason à la ville et généralement accompagné d'une tête de mort assez déroutante au prmier abord. Alors donc, n'ayant pas d'idée fulgurante, je dessine tout ce qui me passe par le tête. Bon. C'est naze, mais je vois mieux comment je vais m'y prendre, la construction de l'image, en gros...
Je passe alors à " l'étape 2 : où l'auteur s'efforce de sauver la face en retenant une idée dont l'intérêt est largement discutable, mais qui a pour attrait principal d'être la seule qu'il ait eue."
"Je vais mettre des grands peintres à la place des auteurs de bandes dessinées... ça fera classe... Et puis, tiens, je vais leur mettre des oreilles et une queue de Mickey pour accentuer le gag inénarable et embrouiller un peu le rapport qui existe entre les arts "majeurs" et la bande dessinée. Voilà. Hop, c'est bon comme ça, je vais pas me faire chier plus longtemps parce qu'il faut que j'aille chercher les mômes et que je prépare les pâtes avant le bain..." me dis-je alors.
A partir de là, la suite est d'une banalité déconcertante.
Il suffit de mettre un peu au propre le crayonné grâce à " l'étape 3 : ou comment l'auteur va perdre toute l'éventuelle qualité du dessin lâché de l'étape précédente et figer celui-ci dans un rendu lourd et prétentieux à la limite du supportable".
Après, hop, je passe à " l'étape 4 : où l'auteur finit de couler son image dans le béton, effaçant ainsi toute trace de vie ou de spontaneïté... mais bon, ça a toujours été son probléme, à l'auteur. Ceci dit, il n'est pas le seul!" en mettant des couleurs de bon aloi pour que ça claque un minimum, cet été, dans les rues ensoleillées de La Corogne...
Voilà voilà. Je crois avoir été clair, concis et pédagogue... Avec ces informations, Il me semble que vous êtes en mesure, à votre tour, de faire l'affiche du festival de La Corogne. (Il est à noter que cette technique peut s'appliquer à n'importe quelle affiche de festival dans n'importe quelle ville, ce qui est, convenons-en, assez arrangeant.)
Bon courage.